Ses parents possédaient un très petit domaine à Peyriac-Minervois. Gagné de très bonne heure au socialisme
sous l’influence du docteur Ferroul, militant narbonnais, Léon Hudelle entra en 1910 au Midi socialiste, le
journal toulousain fondé en 1908 par Vincent Auriol* et Albert Bedouce* pour tenter de combattre l’influence
prépondérante que La Dépêche de Toulouse exerçait dans la région. Il devait accéder quatre ans plus tard aux
fonctions de rédacteur en chef de ce quotidien, fonctions qu’il assumera jusqu’en 1944.
Il accomplit la Première
Guerre mondiale, au cours de laquelle il fut décoré de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre.
Lors des élections législatives de 1910, il se présenta sous les couleurs des socialistes unifiés dans la deuxième
circonscription de Carcassonne (Aude), qui réunissait depuis 1902 les cantons du Mas-Carbardès, de Conques,
Peyriac, Capendu, Lagrasse, Mouthoumet et Tuchan, contre Léon Malavialle, professeur à la Faculté des lettres
de Montpellier, propriétaire très influent à Tuchan, candidat du puissant parti radical, qui se déclarait « libre
penseur, démocrate, socialiste » et un « républicain progressiste et de défense viticole », Paul Arnaud. Malgré l’alacrité de sa campagne et l’appui discret que lui apporta la presse conservatrice, en particulier le Télégramme de Toulouse, inquiet des convictions « laïques » de son adversaire, il recueillit seulement 2 642 voix, soit
environ 20 % des suffrages exprimés, contre 7 444 à Léon Malavialle, qui fut élu dès le premier tour. Il figura
en seconde position, derrière Félix Aldy, sur la liste présentée aux élections de 1919, rassemblant 11 772 voix
sur son nom ; les socialistes arrivèrent fort loin de la liste radicale et opportuniste, conduite par J. Durand et A.
Sarraut, qui fut élue en entier (voir Billod Joseph*). Son parti l’avait délégué à plusieurs congrès nationaux :
Nîmes en février 1910, Saint-Quentin en 1911, Amiens en 1914, Paris en 1919 et Strasbourg en février 1920.
En 1924, la Fédération socialiste de l’Aude, fort peu soucieuse de conclure quelque alliance avec les
radicaux, fut l’un des vingt-trois organismes qui s’affranchirent des directives formulées au congrès de
Marseille en vue de constituer le Cartel des gauches et présentèrent une liste homogène. Celle-ci était conduite
par Léon Hudelle et par un jeune militant, Yvan Pélissier, maire de Cuxac-d’Aude et conseiller général de
Narbonne ; elle s’opposait, non seulement à la liste « radicale socialiste et de défense viticole » menée par Léon
Castel, maire de Lézignan, mais à une liste d’« Union républicaine et sociale », exprimant les aspirations du
centre et de la droite, ainsi qu’à celle du « Bloc ouvrier et paysan ». La campagne fut marquée par des
polémiques de presse extrêmement acerbes et les modérés, qui, à la différence de certaines consultations
antérieures, possédaient cette fois leurs représentants dans la compétition, ne ménagèrent pas plus les amis de
Hudelle, avec lesquels ils avaient naguère discrètement pactisé, que leurs plus redoutables adversaires, les
radicaux. Le Courrier de l’Aude du 30 avril invectivait : « Les candidats socialistes ont jeté le masque [...].
Arrachons donc le masque et flagellons ces visages hideux c’est cette tourbe sanglante au masque hypocrite et
doucereux que les électeurs accueilleront à coups de fourche en les renvoyant à leurs fumiers. » Gagnant plus
de 50 % des suffrages en comparaison de 1919, les socialistes obtinrent une moyenne de 17 932 voix, soit près
de 26 % des suffrages exprimés, mais seul Yvan Pélissier, qui en avait recueilli 18 518, fut élu, ainsi que deux
radicaux et un modéré ; Hudelle en avait obtenu 18 051.
En 1928, le retour au scrutin d’arrondissement amena la création d’une nouvelle circonscription de
Carcassonne, groupant les cantons de Carcassonne, Conques, Peyriac, Capendu, Lagrasse, Mouthoumet et
Tuchan, qui semblait taillée pour permettre l’élection facile d’un radical. À son corps défendant et devant
l’insistance de ses partisans, Hudelle consentit à présenter encore une fois sa candidature en face du populaire
docteur Gout, radical, et du docteur Buscail, maire de Laure-Minervois, modéré. Son programme, à la
différence de celui que développaient les représentants de son parti à Castelnaudary et à Limoux, sut faire une
place large aux considérations locales : il préconisa en particulier l’établissement d’un « programme agraire
régional » comportant un contrôle des cultures afin d’éviter les plantations inutiles de vignes, et l’amélioration
de la voie ferrée d’intérêt local qui reliait Moux à Caunes-Minervois. Les socialistes audois s’affichaient
d’ailleurs en la circonstance en défenseurs de la viticulture et la coopération, dont ils accusaient les radicaux
d’avoir sacrifié les intérêts et négligé l’importance. Hudelle obtint au premier tour 4 782 voix, soit près de
26,50 % des suffrages exprimés, contre 8 303 au docteur Gout et 4 497 au docteur Buscail. Ce dernier se retira,
invitant discrètement ses électeurs à reporter leurs voix sur le champion de la cause socialiste, au grand
scandale de La Dépêche qui dénonça la « monstrueuse coalition socialo-réactionnaire ». Ses consignes furent
partiellement suivies et le nombre des voix de la SFIO s’élevèrent à 6 762 au scrutin de ballottage mais, une
grande partie des sympathisants du docteur Buscail s’étant abstenus ou ayant donné leur appui au docteur Gout,
celui-ci l’emporta aisément.
Hudelle se retira définitivement des joutes électorales pour se consacrer à son journal, auquel il donna des éditoriaux très fréquents, écrits d’une plume alerte et incisive, tout en gardant une grande influence au sein de
sa famille d’esprit. À son retour de la guerre, il s’était rallié aux thèses des ex-minoritaires, contribuant
amplement à placer le Midi socialiste dans la ligne que défendait en particulier Jean Longuet* : au congrès tenu
par la Fédération de l’Aude en avril 1919, il s’était ainsi associé à la section de Carcassonne et à son ami Joseph
Billod pour débattre avec Ferroul*, porte-parole des ex-majoritaires, sur la responsabilité des socialistes au
cours du conflit et cette attitude lui valait d’être qualifié d’extrémiste par le préfet. Parmi ces papiers les plus
célèbres, citons aussi « la victoire des démocraties », paru le 1er octobre 1938 au lendemain des accords de
Munich pour exalter le triomphe de la paix et l’espoir d’une reconstruction de l’Europe. Pour souligner sa
relative largeur d’esprit, rappelons aussi l’article qu’il consacra au maréchal Foch lors de la disparition de
l’ancien généralissime en attestant sa profonde honnêteté et son mépris des intrigues politiques.
Après l’armistice de 1940 et même après l’occupation de la zone Sud, le rédacteur en chef du Midi socialiste se refusa à saborder son journal, qui parut jusqu’à la Libération, tout comme La Dépêche. André Weil-Curiel,
de passage à Toulouse au lendemain de la défaite, notait que les deux grands quotidiens languedociens de
gauche « s’exprimaient alors sur le compte des Anglais et de la défunte République française dans des termes
démarqués de l’Angriff » (Le Temps de la honte, t. I, Paris, 1946, p. 33). Hudelle fut exclu du Parti socialiste en
1944 et abandonna désormais toute activité politique.
SOURCES : Arch. Dép. Aude, 2 et 5 M. —Collection du Midi socialiste, Toulouse.—B. Allaux, Les élections législatives dans l’Aude au XXe s., thèse doctorat en droit, Toulouse, 1969. — Les Audois, Dictionnaire biographique sous la direction de Rémy Cazals et Daniel Fabre, Carcassonne, 1990, p. 162-164. — Comptes
rendus des congrès socialistes. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, pp. 35, 36 et 106. — Marie-Pierre Dubois préparait en 2002, à Toulouse, un DEA sur Léon Hudelle.
Robert DEBANT, Justinien RAYMOND