HUDELLE Léon
Né le 9 juin 1881 à Peyriac-Minervois (Aude), mort le  10 octobre 1973 à Aussonne (Haute-Garonne) ; militant socialiste de l’Aude, rédacteur en chef du Midi socialiste de 1914 à 1944.


Ses parents possédaient un très petit domaine à Peyriac-Minervois. Gagné de très bonne heure au socialisme sous  l’influence  du  docteur  Ferroul,  militant  narbonnais,  Léon  Hudelle  entra  en  1910  au  Midi  socialiste,  le journal toulousain fondé en 1908 par Vincent Auriol* et Albert Bedouce* pour tenter de combattre l’influence prépondérante que La Dépêche de Toulouse exerçait dans la région. Il devait accéder quatre ans plus tard aux fonctions de rédacteur en chef de ce quotidien, fonctions qu’il assumera jusqu’en 1944.

Il accomplit la Première Guerre  mondiale,  au  cours  de  laquelle  il  fut  décoré  de  la  Légion  d’honneur  et  de  la  Croix  de  guerre. Lors des élections législatives de 1910, il se présenta sous les couleurs des socialistes unifiés dans la deuxième circonscription de Carcassonne (Aude), qui réunissait depuis 1902 les cantons du Mas-Carbardès, de Conques, Peyriac, Capendu, Lagrasse, Mouthoumet et Tuchan, contre Léon Malavialle, professeur à la Faculté des lettres de Montpellier, propriétaire  très influent à Tuchan, candidat du puissant parti radical, qui se déclarait  «  libre penseur, démocrate, socialiste » et un « républicain progressiste et de défense viticole », Paul Arnaud. Malgré l’alacrité de sa campagne et l’appui discret que lui apporta la presse conservatrice, en particulier le Télégramme de  Toulouse,  inquiet  des  convictions  «  laïques  »  de  son  adversaire,  il  recueillit  seulement  2  642  voix,  soit environ 20 % des suffrages exprimés, contre 7 444 à Léon Malavialle, qui fut élu dès le premier tour. Il figura en seconde position, derrière Félix Aldy, sur la liste présentée aux élections de 1919, rassemblant 11 772 voix sur son nom ; les socialistes arrivèrent fort loin de la liste radicale et opportuniste, conduite par J. Durand et A. Sarraut, qui fut élue en entier (voir Billod Joseph*). Son parti l’avait délégué à plusieurs congrès nationaux : Nîmes en février 1910, Saint-Quentin en 1911, Amiens en 1914, Paris en 1919 et Strasbourg en février 1920.
En  1924,  la  Fédération  socialiste  de  l’Aude,  fort  peu  soucieuse  de  conclure  quelque  alliance  avec  les radicaux,  fut  l’un  des  vingt-trois  organismes  qui  s’affranchirent  des  directives  formulées  au  congrès  de Marseille en vue de constituer le Cartel des gauches et présentèrent une liste homogène. Celle-ci était conduite par  Léon  Hudelle  et  par  un  jeune  militant,  Yvan  Pélissier,  maire  de  Cuxac-d’Aude  et  conseiller  général  de Narbonne ; elle s’opposait, non seulement à la liste « radicale socialiste et de défense viticole » menée par Léon Castel, maire de  Lézignan, mais à une liste d’« Union républicaine et sociale », exprimant  les aspirations du centre  et  de  la  droite,  ainsi  qu’à  celle  du  «  Bloc  ouvrier  et  paysan  ».  La  campagne  fut  marquée  par  des polémiques  de  presse  extrêmement  acerbes  et  les  modérés,  qui,  à  la  différence  de  certaines  consultations antérieures, possédaient cette fois leurs représentants dans la compétition, ne ménagèrent pas plus les amis de Hudelle,  avec  lesquels  ils  avaient  naguère  discrètement  pactisé,  que  leurs  plus  redoutables  adversaires,  les radicaux. Le  Courrier de  l’Aude du 30 avril  invectivait  : « Les candidats  socialistes  ont  jeté  le  masque  [...]. Arrachons donc le masque et flagellons ces visages hideux c’est cette tourbe sanglante au masque hypocrite et doucereux que les électeurs accueilleront à coups de fourche en les renvoyant à leurs fumiers. » Gagnant plus de 50 % des suffrages en comparaison de 1919, les socialistes obtinrent une moyenne de 17 932 voix, soit près de 26 % des suffrages exprimés, mais seul Yvan Pélissier, qui en avait recueilli 18 518, fut élu, ainsi que deux radicaux et un modéré ; Hudelle en avait obtenu 18 051.
En  1928,  le  retour  au  scrutin  d’arrondissement  amena  la  création  d’une  nouvelle  circonscription  de Carcassonne,  groupant  les  cantons  de  Carcassonne,  Conques,  Peyriac,  Capendu,  Lagrasse,  Mouthoumet  et Tuchan,  qui  semblait  taillée  pour  permettre  l’élection  facile  d’un  radical.  À  son  corps  défendant  et  devant l’insistance de ses partisans, Hudelle consentit à présenter encore une fois sa candidature en face du populaire docteur  Gout,  radical,  et  du  docteur  Buscail,  maire  de  Laure-Minervois,  modéré.  Son  programme,  à  la différence de celui que développaient les représentants de son parti à Castelnaudary et à Limoux, sut faire une place  large aux considérations  locales  : il préconisa  en particulier l’établissement  d’un  «  programme  agraire régional » comportant un contrôle des cultures afin d’éviter les plantations inutiles de vignes, et l’amélioration de  la  voie  ferrée  d’intérêt  local  qui  reliait  Moux  à  Caunes-Minervois.  Les  socialistes  audois  s’affichaient d’ailleurs en la circonstance en défenseurs de la viticulture et la coopération, dont ils accusaient les radicaux d’avoir  sacrifié  les  intérêts  et  négligé  l’importance.  Hudelle  obtint  au premier  tour  4  782  voix,  soit  près  de 26,50 % des suffrages exprimés, contre 8 303 au docteur Gout et 4 497 au docteur Buscail. Ce dernier se retira, invitant  discrètement  ses  électeurs  à  reporter  leurs  voix  sur  le  champion  de la  cause  socialiste,  au  grand scandale de La Dépêche qui dénonça la « monstrueuse coalition socialo-réactionnaire ». Ses consignes furent partiellement suivies et le nombre des voix de la SFIO s’élevèrent à 6 762 au scrutin de ballottage mais, une grande partie des sympathisants du docteur Buscail s’étant abstenus ou ayant donné leur appui au docteur Gout, celui-ci l’emporta aisément.
Hudelle se retira définitivement des joutes électorales pour se consacrer à son journal, auquel il donna des éditoriaux très fréquents, écrits d’une plume alerte et incisive, tout en gardant une grande influence au sein de sa  famille  d’esprit.  À  son  retour  de  la  guerre,  il  s’était  rallié  aux  thèses  des  ex-minoritaires,  contribuant amplement à placer le Midi socialiste dans la ligne que défendait en particulier Jean Longuet* : au congrès tenu par la Fédération de l’Aude en avril 1919, il s’était ainsi associé à la section de Carcassonne et à son ami Joseph Billod  pour  débattre  avec  Ferroul*,  porte-parole  des  ex-majoritaires, sur  la  responsabilité  des  socialistes  au cours du conflit et cette attitude lui valait d’être qualifié d’extrémiste par le préfet. Parmi ces papiers les plus célèbres, citons aussi  «  la victoire des démocraties », paru le 1er octobre 1938 au lendemain des accords de Munich  pour  exalter  le  triomphe  de  la  paix  et  l’espoir  d’une  reconstruction  de  l’Europe.  Pour  souligner  sa relative  largeur  d’esprit,  rappelons  aussi  l’article  qu’il  consacra  au  maréchal  Foch  lors  de  la  disparition  de l’ancien généralissime en attestant sa profonde honnêteté et son mépris des intrigues politiques.
Après l’armistice de 1940 et même après l’occupation de la zone Sud, le rédacteur en chef du Midi socialiste se refusa à saborder son journal, qui parut jusqu’à la Libération, tout comme La Dépêche. André Weil-Curiel, de  passage  à  Toulouse  au  lendemain  de  la  défaite,  notait  que  les  deux  grands  quotidiens  languedociens  de gauche « s’exprimaient alors sur le compte des Anglais et de la défunte République française dans des termes démarqués de l’Angriff » (Le Temps de la honte, t. I, Paris, 1946, p. 33). Hudelle fut exclu du Parti socialiste en 1944 et abandonna désormais toute activité politique.

SOURCES : Arch. Dép. Aude, 2 et 5 M. —Collection du Midi socialiste, Toulouse.—B. Allaux, Les élections législatives  dans  l’Aude  au  XXe s.,  thèse  doctorat  en  droit,  Toulouse,  1969. — Les  Audois,  Dictionnaire biographique sous la direction de Rémy Cazals et Daniel Fabre, Carcassonne, 1990, p. 162-164. — Comptes rendus des congrès socialistes. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, pp. 35, 36 et 106. — Marie-Pierre Dubois préparait en 2002, à Toulouse, un DEA sur Léon Hudelle.

Robert DEBANT,  Justinien RAYMOND